La solidarité Nord-Sud

La solidarité Nord-Sud !

Entraide et Fraternité célèbre cette année ces 60 années d’existence au service des plus pauvres, des plus démunis et des plus vulnérables. 60 ans à vivre chaque année un carême de partage dans la prière et aussi la pénitence.

Le 30 juin 1960, la République démocratique du Congo devient indépendante. En 1961, les évêques de Belgique lancent un appel à l’attention des populations du Kasaï menacées par la famine et la misère. Ce sera le début et le lancement d’Entraide et Fraternité. C’est le début d’une longue et profonde histoire qui se poursuit encore aujourd’hui. Cet appel s’étend actuellement à tous les continents où les besoins de solidarité et d’entraide se font particulièrement sentir. En Afrique et en Amérique latine. Le but primordial de ces carêmes de partage est de promouvoir « le développement de l’Homme et de tous les Hommes » comme le soulignait déjà le pape Paul VI en 1967 dans son encyclique Populorum Progressio et comme le réaffirmaient aussi les évêques de Belgique en 2017 dans Populorum Communio. La conversion écologique et sociale tante promue par le Pape François trouve également une place de choix dans ce carême de partage 2021. Pour que cette conversion devienne effective, elle exige des changements qui interviennent sur les plans individuels, collectifs et politiques.

Au-delà du carême de partage de cette année, Entraide et Fraternité se lance dans une véritable campagne de  sensibilisation pour l’annulation de la dette des pays du Sud et pas seulement pour un moratoire sur son paiement. Entraide et Fraternité saisit cette opportunité pour « réaffirmer que le droit à l’alimentation et à la souveraineté alimentaire est un droit primordial. La promotion de l’agroécologie est une des manières d’y parvenir. »[1] Il s’agit, pour les pays du Sud et leurs populations, d’arriver à faire respecter leurs droits. Il est légitime de payer ses dettes lorsque celles-ci sont contractées de manière légitime nous rappelle le pape François.[2] Que faire lorsque celles-ci sont contractées de manière illégitime ?[3] « La campagne pour l’annulation de la dette s’inscrit dans la valorisation du travail de sensibilisation et dans l’interpellation politique des différents niveaux de pouvoir de notre pays [La Belgique]. Elle est menée dans le cadre d’une coalition d’organisations belges ainsi qu’avec la CIDSE, (Coordination Internationale pour le Développement et la Solidarité). La CIDSE regroupe la plupart des organisations catholiques de l’hémisphère Nord chargées de l’animation des campagnes de Carême. »[4]

La situation des pays du Sud endettés est un véritable frein à leur développement économique et social. Elle constitue une entrave à une possible normalisation de leur futur développemental. Le chemin va être long pour arriver à une annulation de la dette de ces pays. Au lieu d’annulation, le G.20 parle plutôt d’un rééchelonnement de cette même dette, ce qui n’arrange vraiment rien.[5] Il faudra s’armer de patience et de courage pour commencer à réfléchir sur une éventuelle régularisation de cette situation. Entretemps, les populations de ces pays endettés sont plongées dans une misère inouïe et inhumaine. Des populations qui se nourrissent avec moins de 1$ par jour, avec toutes les répercussions que cela peut avoir sur leur dignité.

La dette des pays du Sud est passée entre 2000 et 2017 de 1300 à 2630 milliards de dollars.[6] Aujourd’hui, on parle de près de 3000 milliards de dollars de dette extérieure. La pandémie du covid-19 a fragilisé de plus belle la situation économique de ces pays. Cette dette, considérée comme meurtrière, a un impact considérable sur les populations du Sud, « sur leur bien-être individuel et collectif et en fait des otages involontaires d’enjeux financiers sur lesquels ils n’ont aucune maîtrise. ». Le maintien de cette dette ne permettra pas à ces pays de prendre soin de leurs populations convenablement.

Il appartient aussi aux populations du Sud de se lever et de faire valoir leurs droits dans ce qui peut être considéré aujourd’hui comme une injustice sociale. Ces pays consacrent, chaque année, plus d’argent à payer leurs dettes qu’à s’occuper de leurs populations. Ils s’investissent dans des agricultures et élevages hyper industriels pour satisfaire leurs créanciers. Ce faisant, ils détruisent ainsi leurs écosystèmes et s’inscrivent en faux contre les orientations concernant la conversion écologique et sociale prônée par le Pape François.   Ceci met gravement en danger le futur et bien-être de ces populations. Et dans cette perspective, la dette demeure un « instrument de domination » à travers lequel le Nord continue d’avoir une emprise sur le Sud. N’est-ce pas là encore une autre forme de colonialisme ?

« En ce Carême de partage 2021, le 60ème proposé par Entraide et Fraternité, unissons nos voix à celles du pape et de nos évêques pour, au Congo comme ailleurs, briser les chaînes d’une dette meurtrière et illégitime et ainsi libérer les populations du Sud de ce fardeau injuste. »[7]

C’est à une véritable démarche de solidarité que nous sommes invités en ce carême 2021. L’enjeu fondamental demeure le bien-être des populations venant des pays lourdement endettés. Il s’agit de participer à un effort qui s’inscrit dans un processus de régularisation d’une dette trop lourde à porter pour ces pays pauvres. Des pétitions sont disponibles dans nos églises et aussi en ligne (https://www.annulerladette.be/) comme moyen de notre participation à l’annulation de la dette des pays du Sud.

Alain Boubag

 

[1] Entraide et Fraternité, Carême de Partage. Pistes de célébrations 2021, p.2.

[2] François, Fratelli Tutti, n°126 : « …restant ferme le principe selon lequel toute dette légitimement contractée est à payer, la manière dont de nombreux pays pauvres l’honorent envers les pays riches ne doit pas en arriver à compromettre leur survie et leur croissance. »

[3] « Certaines dettes ont été contractées par des pouvoirs en place, souvent contre l’intérêt des populations, et ce parfois même avec la complicité des prêteurs comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. » Entraide et Fraternité, Carême de Partage. Pistes de célébrations 2021, p.5.

[4] Entraide et Fraternité, Carême de Partage. Pistes de célébrations 2021, p.3.

[5] Pourtant, il n’est toujours pas question d’annulation. En effet, le G20 privilégiera les rééchelonnements, c’est-à-dire l’étalement du paiement intégral de la dette dans la durée, si le moratoire devait être insuffisant. Ce dont on a déjà la certitude, puisque celui-ci a concerné jusqu’ici à peine 1,68% des remboursements dus en 2020 par l’ensemble des pays dits « en développement ».

[6] Rapport du Fonds Monétaire International de 2018.

[7] Entraide et Fraternité, Carême de Partage. Pistes de célébrations 2021, p.5.